Mathilde L’Azou, un exemple pour les Pitchounes
Mathilde l’Azou a de nombreuses casquettes : Photographe – Journaliste – Traductrice – Community Manager – Attachée de presse. Fan de sport et de vélo mais aussi marraine des Pitchounes, elle est indispensable sur les routes françaises avec son appareil photo, son micro ou encore son propre vélo !
Bonjour Mathilde, peux-tu nous détailler ton parcours ?
Mathilde L’azou : Il faut savoir d’abord que j’ai fait mon 1er tour à l’âge de quatorze ans, en tant que jeune reporter et, à l’époque je m’apprêtais à entrer en classe de 1ère. Le fait de savoir que j’allais faire le Tour de France en tant que journaliste ça a grandement penché dans le choix de mes affections, ce qui fait que j’ai choisi d’aller en littéraire. J’avais fait le choix de prendre en option Anglais et Cinéma, afin d’apprendre à tenir une caméra, à faire du montage et autres. Donc, ça m’a bien aidé. Une fois mon bac obtenu, j’ai fait le choix de postuler directement à l’école de journalisme de Lannion, qui fait partie des 14 écoles reconnues et qui est seulement une des trois écoles qui recrute directement après le Bac. J’ai fait mon DUT de journalisme puis une licence et donc je suis sortie avec un BAC +3 en poche.
Et du coup, une fois ton BAC +3 en poche, est ce que tu étais déjà destinée au journalisme sportif ?
Alors, cela a toujours été à la fois mon point fort et mon point faible, parce que j’ai toujours voulu faire journaliste sportif. Quand j’étais petite, et même en école, je rendais folle mes profs parce que je ne voulais faire rien d’autre que du sport. C’était carrément des consignes comme « Vous faites ce que vous voulez, sauf Mathilde : tu fais pas sport ». Donc j’essayais tant bien que mal de faire régner un peu d’autorité, mais ça ne se passait pas très bien. Mais c’est vrai que le sport m’a toujours guidé, c’est toujours ça qui m’a intéressée. Donc j’avais du mal à m’intéresser à d’autres sujets, même si la culture est très intéressante je trouve, mais, par exemple, la politique c’est pas du tout pour moi. Dans le cadre de ma dernière année de licence, je devais faire 3 mois de stage dans une rédaction et j’ai choisi de la faire à FranceTV Sport au service web. Et ça a payé parce qu’à l’issue de mon stage, mon grand patron m’a proposé de partir sur le Tour de France avec eux, donc, en fait, j’étais très rassurée en revenant à l’école parce que je savais que j’avais un avenir.
Est-ce que tu peux nous faire une petite chronologie des métiers par lesquels tu es passée, et ce que tu fais aujourd’hui ?
À mon entrée sur le marché du travail, j’ai commencé en tant que journaliste, surtout et un peu photographe. Je suis allée à Saitama au Japon pour un clip mais en même temps, je continuais à France TV. Ils avaient eu aussi besoin de mes photos pour les réseaux sociaux. Et c’est en commençant à faire des photos pour les réseaux sociaux. Mon chef avait vu que j’avais déjà une grosse communauté sur Facebook, Instagram, Twitter. Donc, il voyait que je maîtrisais les codes, et on a commencé à réfléchir. C’est comme ça que j’ai testé les premières storys Snapchat et Instagram de FranceTV Sport. J’ai aussi fait les premiers lives Facebook de France TV Sport. Cette expérience, et le fait d’avoir créée ça pour un média sportif, m’a donné envie de m’intéresser au métier de Community Manager. C’est l’avenir maintenant, tout le monde a besoin de bons réseaux sociaux et d’une bonne communauté pour se faire connaitre, et du coup j’ai déviée un peu vers ces métiers-là. Dans le même temps, le journalisme prenait de moins en moins de place parce que je ne m’y sentais plus forcément très bien. C’est un cheminement naturel en fait qui fait qu’au début, grâce aux écoles notamment, et aussi mes expériences personnelles, je maîtrisais un peu tous les domaines. Du coup, j’ai laissé le journalisme un peu de côté, même, si cette année, j’étais censé refaire de la moto en direct pour France 3 Bretagne, pour les courses bretonnes. Donc, ça m’aurait fait plaisir de revenir mais ,maintenant, c’est vrai que je suis surtout photographe, à la fois pour l’équipe Cofidis, pour des événements sportifs comme le marathon de Genève, la haute route ou des marques. Je fais aussi des photos de mariage donc c’est complètement différent du sport mais c’est franchement beau dans l’ambiance et puis tu permets aux gens, mine de rien, de garder des souvenirs de leur journée. Je trouve que c’est important. Après je continue à travailler un peu avec la fédération Française de golf etc.. L’avantage de notre métier c’est que tu peux faire pleins de choses, ton quotidien ne se ressemble jamais : il n’y a aucune lassitude du coup.
Plusieurs témoignages de journalistes françaises, notamment sur France TV, sont apparues sur la difficulté pour une femme de s’intégrer dans le monde journalistique, majoritairement masculin. Comment as-tu vécu ton intégration dans ce monde ?
Ça a été plutôt compliqué… Je fais 1m65, j’ai une voix d’enfant. J’étais aussi plus jeune quand je suis rentrée sur le marché du travail : je n’avais que 19 ans. Quand j’ai fait mon deuxième Tour de France, forcément, ça a joué. Et j’ai dû batailler pour montrer que j’avais aussi ma place et surtout, que je la méritais, que je n’étais pas envoyée là pour embêter les autres. Mais c’est un combat, tout le temps.
Tu adores le sport, est-ce que tu en pratiques ?
Oui, je pratique l’athlétisme maintenant, au club d’Aix-les-bains, avec Christophe Lemaitre, par exemple. Le fait de reprendre la compétition, de s’entrainer 5 à 6 fois par semaine, ça fait du bien de s’aérer un peu, avoir un nouveau groupe d’amis autres que le monde du vélo. Et puis, ça fait du bien de se prendre des claques. On a la chance de pouvoir participer à des événements exceptionnels, mais pour certains, je pense que du coup ça crée une certaine vanité. Ça les poussent à croire que ce sont les rois du monde, alors que pas du tout. Et du coup le fait de me prendre des claques en course, ça me rappelle qu’à un moment donné on peut être bonne dans certaines disciplines et mauvaise dans d’autres. Clairement ça fait du bien, moi j’adore.
Est-ce que le fait d’être au sein du monde du sport, ça t’a permis de constater les écarts entre le sport féminin et le sport masculin et, plus particulièrement, entre le cyclisme féminin et masculin ?
Oui, totalement. C’est vrai qu’on voit la différence. Et je me rappelle encore de l’époque où, aux championnats de France, les amateurs couraient avant, le samedi après-midi, et les femmes le matin, donc elles étaient complètement mises à l’écart. Il n’y avait pas grand monde, tôt le matin. Quand ça a changé et qu’on les a mises le samedi après-midi, pour que ce soit diffusé, à l’époque tu avais beaucoup de commentaires négatifs du genre « on s’en fiche », « c’est pas des vraies courses », « elles savent pas faire du vélo » Et au final, peu à peu, grâce à la télé, à l’arrivée des stars comme Pauline Ferrand-Prevot, de gros caractères comme Audrey Cordon-Ragot., ça a permis aux filles de se dire « ok, mais on peut le faire, on mérite notre place, et on va leur montrer qu’on a le mérite ». Je trouve que les courses féminines sont maintenant spectaculaires et ça fait plaisir. L’écart est forcément énorme entre les grosses équipes masculines et les grosses équipe féminines. Mais je pense qu’on va dans le bon sens. On ne peut pas demander du jour au lendemain à ce qu’il y ait un Paris-Roubaix, un Tour de France féminin. Mais ça va se construire, et c’est en train de se construire, et je pense que c’est en train de se faire sur des bases solides.
Et est-ce que, toi, tu participes, que ce soit directement ou indirectement, à la médiatisation de ce sport ? Est-ce que tu es présente pour des évènements féminins, par exemple ?
Sur des événements professionnels féminins, je dois avouer que pas beaucoup. Mon calendrier est déjà très pris, même si j’aimerais aller sur la Flèche Wallonne féminine ou sur le Tour du Yorkshire féminin, par exemple. En revanche, je suis très investie du côté de l’organisme
Elles font du vélo qui milite pour une égalité homme-femme, dans le cyclisme dans la compétition comme la pratique. C’est là où je me reconnais parce que je fais du vélo, mais pas tous les jours. Je ne ferai jamais de compétition, mais j’adore rouler. Et ça concerne beaucoup de femmes qui adorent rouler et qui essayent de dépasser leurs limites, qui prennent du plaisir juste à enchaîner les kilomètres mais qui se retrouvent totalement désabusées à cause du comportement de certaines personnes qui continuent de dire que les femmes n’ont rien à faire sur un vélo. Et du coup, c’est plutôt de ce côté-là que je m’investis, en participant à des stages ; comme l’an dernier, j’avais fait un stage qui consistait à monter le Ventoux. Il y avait toutes sortes des cyclistes féminines : certaines venaient de Saint Omer dans le Nord, elles avaient un vélo de chrono, mais elles ont réussi à aller en haut. C’est ça qui compte en fait, montrer que tout est possible, quel que soit le niveau.
Est-ce que tu serais favorable à des épreuves mixtes en cyclisme, comme au biathlon ou athlétisme par exemple ?
Pas forcément , parce que c’est vrai que sur un vélo, c’est quand même bien différent. Après, quand j’ai vu qu’ils avaient commencé à mettre en place des relais mixtes comme en biathlon, c’est quand même spectaculaire. C’est marrant, pourquoi pas continuer dans cette voie-là. Mais je pense que, par contre, ça pourrait être intéressant que chaque monument ait sa course femme au préalable. C’est là vraiment qu’on aura réussi à obtenir une égalité entre les hommes et les femmes. Je pense qu’elles ne demandent que ça. Quelque chose d’adapté à elles, elles savent très bien qu’elles vont pas faire 3 semaines de Tour de France. Mais si on fait comme le Giro, 10 jours sur le même parcours, il y a des choses à faire, du potentiel et j’espère qu’on est qu’au début de cette médiatisation.
Comprends-tu que les experts vélo maîtrisent plus le cyclisme masculin que féminin ?Il y a une plus grande connaissance du cyclisme masculin. On peut pas leur en vouloir, dans la mesure où la plupart des consultants viennent du vélo masculin. On ne peut pas leur demander de s’intéresser en profondeur à un milieu qu’ils connaissent moins. Mais, de plus en plus maintenant, ils ont la connaissance des cyclistes à suivre. Il n’y a pas qu’ Anna Van Der Breggen ou Annemiek Van Vleuten maintenant. Il y a pleins de petites jeunes qui poussent, et il y a cette connaissance du peloton féminin qui s’améliore. Donc c’est bien de mettre plus en avant les femmes. Moi je sais que, sur le Tour, je parlais beaucoup de la Course By le Tour. Il y avait une émission spéciale là-dessus, mais aussi sur les femmes qui font le Tour un jour avant. Il faut mettre en avant ces actions-là et ces femmes-là.
Dans cette période de confinement (ITW réalisé le 04/05) , quels sont tes futurs projets ?J’attends avec impatience la sortie du calendrier afin de pouvoir tout redéfinir, mais c’est vrai que j’ai quand même commencé l’année en étant confinée à Abu Dhabi. C’était ma première course de la saison. Quand je sais que j’aurais dû faire Milan – San Remo, Paris – Roubaix, c’est rageant. Mais il y a plus important en ce moment bien sûr. Mais j’espère pouvoir faire Paris-Roubaix, Milan et le Dauphiné. J’espère aussi que mes mariages arrêteront de se reporter à l’année prochaine. Pour l’instant, c’est au point mort, mais j’en profite pour beaucoup écrire, parce que j’ai le projet d’écrire un livre sur le vélo mêlant mes photos et mes textes. Ça me laisse plus de temps pour travailler cette partie-là.
Peux-tu nous expliquer plus précisément ce que tu réalises avec l’équipe Cofidis?
Pour Cofidis, je suis la photographe officielle. On partage le rôle avec une autre
femme Pauline Ballet. Du coup, j’ai un calendrier de l’année qui compte entre 40 à 50 jours de courses, et mon but c’est de faire des photos, que j’envoie ensuite à mes chefs qui restent en France. Après, quand on a été bloqués à Abu Dhabi, c’est vrai que j’ai eu d’autres rôles, parce qu’il n’y avait pas d’attaché presse et on a été vraiment très sollicités par la presse, donc il a fallu gérer ça. J’avais un peu toutes les interviews qui tombaient, c’est un autre rôle qui m’a bien plu. Et là, pendant le confinement, j’ai été amenée à faire des lives Instagram pour l’équipe afin de continuer de faire parler de l’équipe, de faire parler des coureurs. C’est plusieurs petits rôles comme ça qui sont intéressants.
Comment t’organises-tu avec toutes les étiquettes que tu as ?
Je gère de façon annuelle mon calendrier pour satisfaire le maximum d’employeurs afin de m’assurer des collaborations qui vont durer sur plusieurs années. Quand la saison se calme c’est à dire en novembre-décembre, j’en profite pour recontacter tous mes employeurs de l’année précédente ou des années précédentes pour leur demander si potentiellement ils veulent me faire travailler sur des épreuves l’année suivante. Je m’accorde aussi des temps de repos. L’an dernier, en novembre, je n’ai eu qu’ un seul évènement, le semi-marathon de Genève, et après je me suis reposé pour pouvoir repartir en décembre avec Cofidis. En janvier, je n’ai rien eu non plus. Je m’autorise à me donner des grandes plages de repos parce qu’après je sais que, normalement, de mars à octobre, je n’ai pas le temps de me poser.
Par rapport aux coureurs, on a vu sur Instagram que tu faisais des lives notamment avec Pierre Latour. Est-ce que tu peux nous parler de cette relation que tu entretiens avec les coureurs Français et internationaux ?
Ma force, c’est que j’ai été passionnée très jeune et donc j’ai suivi les Tours de France. Et donc les coureurs que je retrouvais, qui étaient des amateurs, sont désormais des pros. C’est vrai que, forcément, ils ont plus d’affinité avec quelqu’un qui était là dès le départ. Il y avait personne le dimanche, il pleuvait et il y avait juste une photographe qui venait et qui interviewait. Du coup, il y a des relations professionnelles qui se sont nouées. Certains sont devenus de grands amis, des amis très proches, comme Pierre Latour évidemment, qui est l’un de mes meilleurs amis. Il y a aussi Benoit Cosnefroy, Aurélien Paret-Peintre que j’apprécie énormément et que je connais depuis des années et qui, désormais, font partie de mon cercle amical. Évidemment, sur les courses, je vais pas le montrer, je ne vais pas courir leur claquer la bise. Par contre, c’est vrai qu’un petit tchek quand on se croise avant le départ ou à l’arrivée, c’est des petits gestes qui font plaisir, mais, sur les courses, je reste avant tout professionnelle. Dans la vie privée, je les vois souvent, souvent par messages ou appels, mais en course notamment je suis employée par Cofidis je ne vais pas m’afficher avec les Ag2r.
Comment vis tu leurs courses alors ?
Je te cache pas qu’à chaque fois j’ai la larme à l’œil quand j’en vois un gagner, porter le maillot blanc aux Champs-Elysées. Quand tu connais la personne depuis des années, tu sais ce qu’elle a vécu, tu l’as eu par messages tous les jours sur le Tour de France, c’est fort, très fort. Et c’est ça aussi qui me donne de l’espoir, on est là quand ça va et évidemment quand ça ne va pas. Je garde tous ces moments. Même à Abu Dhabi quand toute l’équipe de Cofidis s’est retrouvée bloquée dans cet étage d’hôtel, mine de rien, ça a resserré les liens parce qu’on était là les uns pour les autres, on se soutenait, et c’était très important. Et je sais que, quand un de ces coureurs va briller cette saison ou les saisons d’après, je serai sans doute un peu plus émue parce que je sais ce qu’on a vécu à Abu Dhabi.
Son site internet : https://mathildelazou.com
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