Lesly Boitrelle : « C’est bien que les langues se délient aujourd’hui »

 In Le Tour au pied des Tours, Non classé

Lesly Boitrelle est pigiste notamment pour Eurosport. Spécialisée à la base dans les sports mécaniques, elle s’impose aujourd’hui dans le monde du cyclisme. Elle nous raconte son parcours, la difficulté pour une femme de s’intégrer dans un monde d’hommes et nous parle de l’avenir du cyclisme féminin.

Quel a été ton parcours et tes envies ?
Lesly Boitrelle : J’ai toujours voulu être journaliste, mais il fallait que je parle couramment anglais parce que je voulais être dans le sport, particulièrement les sports mécaniques. J’ai fait une licence de langue, je suis partie un an à l’étranger. En revenant, j’ai passé le concours des grandes écoles de journalisme. J’ai commencé par faire les radios locales, télé locales, ensuite Eurosport et ensuite RMC. Tout n’a pas été facile. Cela fait plaisir qu’aujourd’hui, je vis de ce que j’aime tout simplement. Aujourd’hui, je suis à la pige. J’ai fait une petite pause ; j’ai mis fin à mon CDI pour ma petite famille.

Pourquoi avoir choisi la voie du sport ?
J’étais dans une famille de sportifs : mon frère faisait du rugby quand j’étais toute petite et j’allais le voir à l’entrainement. À 15 ans, j’ai vu mon premier Grand Prix de Formule 1 à la télé. Et je me suis dit « il faut absolument que je travaille là-dedans ». J’ai adoré. J’ai voulu tout faire pour y arriver. Il n’y a pas de fille qui travaille là-dedans… Il fallait que j’arrive à percer dans ce milieu très fermé. Déjà, le journalisme sportif, c’est très compliqué pour les femmes, alors en plus dans les sports mécaniques, c’est verrouillé.

Comment as-tu réussi à trouver ta place dans ce monde très masculin ?
J’avais très peur, surtout lors de mes premières ex- périences, surtout avec tout ce qui ressort en ce moment… Il y a pas mal de journalistes féminines qui se livrent, ce qu’elles ont vécu et je me suis pas mal retrouvée dans ce qu’elles ont dit. Mais je n’aurai jamais le courage de témoigner…
C’est vrai que ,quand tu arrives, on te fait vite savoir que tu n’es pas à ta place. Parce que ta place, c’est là il y a la table à repasser, là tu peux aller chercher les chemises… des choses super déplaisantes  ! Surtout que tu bosses pour y arriver. Peut-être qu’avant il suffisait d’être jolie, maintenant ce n’est plus le cas. Maintenant, les filles jolies qui sont nulles sont vite mises de côté. Je pense que quand tu es une femme dans ce milieu d’hommes, il faut travailler deux voire trois fois plus. Tu te fais ta place en leur prouvant que tu t’y connais, et ensuite, il n’y a plus de blague. C’est vrai qu’au début il faut s’accrocher, il ne faut pas se laisser se déstabiliser. C’est un milieu difficile. Je pense que, de manière générale, les femmes dans n’importe quel milieu doivent toujours se battre.
En tout cas, c’est bien que les langues se délient aujourd’hui : des femmes qui disent ce qu’elles ont subi. C’est d’autant plus difficile qu’une fois que tu as parlé, derrière, il y a des portes qui, inévitablement, se referment, parce qu’on va dire « elle est chiante, il ne faut pas la prendre, elle va nous causer des soucis… » C’est pour ça qu’elles sont courageuses, ces femmes. C’est un milieu difficile. Dans n’importe quel milieu d’ailleurs, on doit toujours batailler et prouver plus. Il y a encore du boulot.

Penses-tu que l’image du cyclisme féminin à évoluer ?
Oui, en terme de diffusion, il y en a de plus en plus. Cela concerne le sport féminin, de manière générale. Les mentalités ont tout de même évolué. Il y a des hommes qui regardent de plus en plus, des femmes qui sont devenues des voix du sport féminin : par exemple, Marion Rousse, sur le Tour ; sur les Jeux Olympiques, des filles qui réussissent bien comme Pauline Ferrand-Prévot. C’est en bonne voie et cela ne concerne pas seulement le cyclisme.

T’y connais-tu autant dans le cyclisme masculin que dans le cyclisme féminin ?
Non, honnêtement, parce que j’ai beaucoup plus bossé sur du cyclisme masculin. C’est tellement complexe comme sport. J’ai travaillé sur le cyclisme féminin quand j’ai fait les Jeux Olympiques à Rio, quand j’ai bossé sur des portraits de cyclistes pour BFM TV. Je travaille pas mal avec Eurosport sur le cyclisme. On a toujours une page où l’on parle des courses féminines, donc ça a toujours une place.

Quelle est la sportive que tu admires le plus, et pourquoi ?
C’est une expérience personnelle, parce qu’elle était tellement sympa et que je me suis retrouvée en elle puisqu’elle a eu un enfant il y a pas longtemps  : Charline Picon, championne olympique de voile, tellement sympa, abordable, qui travaille dure. C’est compliqué ces sports qui ne sont mis en avant qu’une fois tous les quatre ans. Je pense aussi à Clarisse Agbegne- nou que j’ai adorée, qui est toute jeune et tellement forte en judo. C’est les deux qui ressortent là, mais j’ai pleins d’autres exemples.

Quel avenir aura le cyclisme féminin selon toi ?
J’espère plus de médiatisation, parce que c’est le nerf de la guerre. Sans médiatisation, c’est compliqué de faire vibrer les français. La médiatisation apporte l’argent, ce qui permet d’investir dans des équipements. J’espère que, dans les années à venir, les françaises seront devant les hollandaises qui aujourd’hui sont imbattables.

Quelle est la place de la femme dans le monde du sport actuel et qu’elle devrait être sa place idéalement ?
Malheureusement, on est derrière les hommes. Est-ce que c’est pas historique ? Avant, on n’en parlait pas du tout. On ne parlait que des exploits des hommes. Quand on parle du sportif de tous les temps, on cite Michael Jordan, Mohamed Ali, Maradona, et où sont les femmes  ? Et pourtant, il y a des femmes qui font de très belles choses, des françaises, des étrangères  ! Je pense à Christine Arron, Marie José-Pérec. Instinctivement, on va parler d’hommes alors que la performance sportive des femmes est là ! J’espère que, dans les années à venir, cela va évoluer. Je pense à toutes ces sportives qui émergent et puis qu’on met de côté à la fin de leur carrière.

Tu es pour un Tour féminin ?
Pourquoi pas !!! Quand on voit ce que font les hommes, déjà on est capable de le faire. Au vu de la ferveur du public pour le cyclisme, le Tour de France est le 3ème évènement le plus suivi au monde, donc je ne vois pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas  ! Le cyclisme est très populaire, que ce soit des hommes ou des femmes, il y aura des gens sur le bord de la route pour les regarder. Ça serait une super idée.

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