INTERVIEW MYRIAM LAMARE « J’ai toujours su que je serais une grande championne »

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Le weekend dernier était célébrée la journée de la femme, et nous voulions, avec nos moyens, mettre à l’honneur une grande dame du sport.
Coïncidence, une ex-championne du monde était de passage à Toulouse, venue rendre visite au BOXING TOULOUSE BAGATELLE,  afin d’effectuer un stage de perfectionnement et d’initiation à la boxe anglaise sur ce quartier.
C’était bien avec une boxeuse en la personne de Myriam Lamare que FIDGY et NAJIA , nos deux jeunes reporters, avaient rendez-vous. Son nom, même pour les novices, restera gravé à jamais dans l’histoire de la boxe française comme Jeannie Longo en Cyclisme, ou Marie-Jo PEREC en athlétisme. Elle restera l’emblème de la boxe féminine en France et même au-delà de nos frontières, puisqu’elle fut la première femme sacrée championne du monde professionnelle reconnue par la WBA. La garde haute et les poings serrés, FIDGY et NAJIA étaient toutes deux prêtes à affronter cette icône du sport français…

Média pitchounes : Qu’est-ce qui peut motiver une fille à faire de la boxe, et comment es-tu venue à ce sport ?

Myriam Lamarre : Je pense que c’est le parcours de vie que l’on peut avoir, en essayant pleins de sports, en essayant pleins d’expériences, on finit par s’intéresser qu’à un seul sport . Notre corps et notre esprit s’attachent davantage à un sport plus qu’un autre. Moi je viens de l’athlétisme et de la natation, quand j’ai découvert la boxe pieds-poings puis ensuite la boxe anglaise, j’ai de suite sue que ce serait celui-là mon sport. Physiquement et spirituellement parlant, c’est ce qui se rapprochait le plus de moi.

Média pitchounes : La boxe était-elle vraiment une bouée de secours pour toi ?

Myriam Lamarre : Certainement pour d’autres, cela peut l’être, mais pour moi, non. Depuis toute petite, depuis que j’ai foulé les bassins de piscine, j’ai toujours su que je serais une grande championne. Dans quel sport ?  je ne le savais pas, je pensais que ce serait en natation, ensuite j’ai essayé l’athlétisme, où je me suis donnée à fond, mais ce n’était pas encore ça. Quand j’ai croisé le chemin d’un entraîneur de boxe, j’ai su que ce serait mon sport. La boxe pour moi est un sport curatif, mais également thérapeutique, mais une bouée de secours, non.

Média pitchounes : Il y a-t’il, un avant et un après « Million dollar baby » dans l’essor de la boxe féminine en France ?

Myriam Lamarre : Oui je pense, aujourd’hui, grâce à ce film, on voit les femmes qui boxent différemment. Je pense que ça va chercher même plus loin que ça, on regarde la femme différemment tout court ! C’est un très grand film, il met en scène et en évidence les rapports que peuvent avoir un homme et une femme, pas forcément des gens amoureux, mais des gens qui s’aiment d’un amour profond, qui constituent leur famille puisque ce sont deux étrangers, deux êtres perdus, abandonnés par leur famille et qui se trouvent. Un qui arrive à la fin de sa vie, grand mentor de la boxe et une qui se cherche encore et qui pense ne jamais avoir eu de famille, un film d’une beauté et d’une émotion remarquable.

Média pitchounes : Ta vie ferait aussi un beau scénario, d’une enfance et d’une adolescence difficile à la consécration dans ton sport, on ne te l’a jamais proposé ?

Myriam Lamarre : J’ai toujours eu envie d’écrire un bouquin sur ma vie, pas une autobiographie, mais plutôt un livre romancé, qui racontera l’histoire d’une petite fille et de son parcours sportif. L’histoire d’une petite fille et d’une femme, car aujourd’hui je suis une femme qui essaie de s’accomplir en tant que telle avec mes convictions et mes objectifs de vie. Un film serait un peu dans la même lignée, mais qui ne tomberai pas dans la dramaturgie, mais plutôt d’envoyer un grand message d’espoir à toutes les filles, à toutes les femmes.

Média pitchounes : Ton nom restera toujours gravé dans l’histoire de la boxe en France, est-ce ta plus grande fierté ?

Myriam Lamarre : A tout te dire, je n’en ai pas encore conscience du fait que je n’ai pas encore arrêté, je suis même loin d’avoir fini. Il y a une évolution naturelle de ma carrière pugilistique, j’ai marqué mon sport en tant que sportive, et j’espère encore le marquer en tant qu’entraîneur ou organisatrice.

Média pitchounes : Si tu devais émettre un ou plusieurs regrets sur ta carrière lesquels seraient-ils ?

Myriam Lamarre : Il y a tellement de points positifs… Mon grand regret qui me vient comme ça, c’est que les filles ne puissent pas encore à l’heure d’aujourd’hui participer aux Jeux Olympiques. Cela a toujours été un rêve pour moi, la première fois que j’ai regardé une grande compétition de sport à la télé, c’était Carl Lewis, je m’en souviens comme si c’était hier ! Il participait à la finale du 100 mètres, et je me suis dite, c’est ça que je veux être, championne olympique, la médaille, le podium, l’hymne… Chemin faisant, j’ai croisé les gants, je ne me suis pas posé la question de savoir si je pourrais un jour faire les Jeux, sans savoir si mon sport y était inscrit, je me suis donnée à fond dans ce sport, sans me poser ces questions et ensuite ce fut trop tard. Ça restera sans aucun doute le plus gros regret de ma carrière sportive.

Média pitchounes : On ne compte plus tes titres sur ton palmarès, si tu ne devais retenir qu’un seul combat ?

Myriam Lamarre : Bien souvent, les combats qui nous marquent le plus, ce sont les plus difficiles. En fait, il y en a deux, le premier championnat d’Europe féminine organisé en France à Saint-Amand-les-Eaux, je perdais de trois ou quatre points à l’amorce du dernier round, et je me suis dit, je ne peux pas perdre, c’était pas possible. Le seul moyen de gagner était de faire arrêter mon adversaire, je suis sortie de mon coin avec cet objectif, ça ne pouvait pas se passer autrement, elle a été arrêtée, j’ai été la première Française championne d’Europe. Le deuxième combat, à l’inverse, ce fut une défaite. Aux premiers championnats du monde de boxe féminine amateurs aux États-Unis, lors de la finale, je touchais mon adversaire, mais les points n’étaient pas marqués, j’avais un point d’avance au premier, égalité au deuxième, et je perds d’un point au dernier. J’ai cru que j’allais mourir ce jour-là, c’était comme une petite mort, c’était inimaginable pour moi de revenir sans cette médaille d’or des États-Unis. C’était les premiers championnats du monde, c’était hyper important pour moi d’être la première championne du monde de l’histoire de mon sport…

Média pitchounes : Tu as effectué un retour en full contact, est-ce une reconversion ou l’Anglaise reste-t-elle ta priorité ?

Myriam Lamarre : Très bonne question! J’ai effectué un retour en full contact après avoir discuté avec mon entraîneur, on s’est dit pourquoi ne pas effectuer une série de combats dans cette discipline avec un championnat du monde à la clé. Il s’avère qu’avec l’économie actuelle, sur le marché de la boxe, de faire boxer quelqu’un comme moi avec mon palmarès, on ne me donnera pas la même bourse qu’une débutante. Pour l’instant, c’est toujours d’actualité, mais l’Anglaise reste ma priorité.

Média pitchounes : Quelles sont à présent tes objectifs et comment vois-tu ton avenir ?

Myriam Lamarre : A moyen terme, c’est l’organisation de ma première réunion le 12 juin 2009 à Marseille, dans ce cadre-là, je fais un championnat d’Europe contre la championne en titre. Les projets de reconversion, c’est la création d’un très grand complexe sportif à Marseille qui pourrait servir de base d’entraînement et de préparation au niveau national et international et l’organisation de réunions de boxe. Et il y a aussi le coaching d’entreprise.

Média pitchounes : Tu as tourné un clip pour la Déclaration universelle des droits de l’homme, c’était important pour toi ?

Myriam Lamarre : Très très important, j’étais honorée d’accepter cette invitation parce qu’à un moment donné, quand on a des convictions, il faut en parler. Avec mon statut, j’ai eu la possibilité d’avoir la parole, de prendre position sans dire n’importe quoi bien entendu, quand il y a des choses qui ne vont pas, pouvoir les dire à haute voix puisque la possibilité m’en était donnée. C’était une opportunité qu’il fallait saisir.

Média pitchounes : La boxe en France est en perte de vitesse, on ne peut plus avoir de grands champions sans télé, en exemple Brahim Asloum ne trouvant pas de financement pour défendre son titre?

Myriam Lamarre : Brahim Asloum est un boxeur un peu à part, qui avait ses arrangements avec la télé, avec Louis Acaries notamment. La crise aidant, les télés ont des objectifs, Canal+ a de grosses responsabilités en terme de personnel et il s’avère que le budget demandé à l’organisation d’un championnat du monde de Brahim Asloum était beaucoup trop important par rapport à leurs obligations, n’ayant pu trouver d’accord, ils ont stoppé leur collaboration. Je pense qu’il y a bien d’autres champions en France dont on parle moins et qui mériteraient autant d’être aussi connus. La France est un petit pays par rapport aux États-Unis. On a traversé des hauts, et des bas en ce moment dans notre sport. Nous avons eu de grands champions et nous en aurons encore. Il faut penser à tous ceux qui sortent des Jeux olympiques et qui sont passés professionnels, il faut compter sur eux. En termes de télé, il n’y a plus le monopole de Canal+, la TNT est arrivée, plusieurs chaînes sont intéressées par la boxe comme W 9, DIRECT8 sans oublier EUROSPORT. Ce qui nous manque, c’est une chaîne nationale qui investisse dans la boxe comme elle le fait pour d’autres sports, c’est une question de politique, à FRANCE2, ça ne coûte rien de faire déplacer une équipe pour retransmettre un combat, il faut juste  trouver la bonne personne qui dise oui ou non, ça tient à ça.

Média pitchounes : Tu es souvent au vélodrome, est-ce ta deuxième passion ?

Myriam Lamarre : Pas du tout, l’OM n’est pas ma deuxième passion, j’aime tous les sports. À Marseille, l’OM est une vitrine pour bien des jeunes, pour bien des gens. Moi je suis une vraie banlieusarde, originaire de Paris, mais je suis plus attachée à Marseille et je soutiens l’équipe de Marseille comme certains joueurs de foot me soutiennent et m’ont soutenu, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent. J’ai la chance d’être très régulièrement invitée au match, et quelquefois d’avoir fait les coups d’envoi.

Média pitchounes : Les incivilités dans les stades de football, cela t’inspire quoi ?

Myriam Lamarre : De la totale incompréhension, et surtout vis-à-vis des dirigeants où il n’y a pas assez de sanctions prises par rapport à ce qu’il se passe, beaucoup de méfaits dans les stades sont rendus silencieux parce que le foot est une très grosse économie et que c’est un sport au niveau mondial que l’on ne pourrait pas se passer. Les responsables de ces méfaits n’ont bien entendu aucune circonstance atténuante, mais je pense qu’il n’y a pas qu’eux. C’est aussi les dirigeants qui ne prennent pas leurs responsabilités et pour rester très polie, je trouve ça malheureux ! Dans d’autres sports, il y a de grands champions qui restent dans l’ombre toute leur vie, qui ont marqué l’histoire de leur sport, qui ont fait de grandes choses et on ne fera pas le 10e de ce que l’on fait pour le football malgré l’image que ce sport reflète auprès des jeunes, ou de tous citoyens du monde.

Média pitchounes : En quoi consistent tes stages, comme celui organisé ce week-end à Toulouse ?

Myriam Lamarre : Mes stages ont pour vocation d’être avant tout pédagogiques, dans un second temps sociaux, et dans un troisième temps de performance. Il s’adresse exactement au type de public avec lequel je travaille ce soir. Mes stages sont réservés aux filles, parce que j’ai envie de développer mon sport, que les filles se trouvent, se retrouvent dans ce sport, il y a tellement de potentiel qu’elles peuvent trouver la force, le courage, la motivation ou la détermination qui peut leur manquer dans leurs vies de femmes de tous les jours. La boxe peut être un élément hyper important pour leur développement.

Média Pitchounes: On te sent très proche du Boxing Toulouse bagatelle, quels sont les liens qui vous unissent ?

Myriam Lamarre : C’est une grande histoire, je ne sais pas si vous la connaissez. J’ai vraiment commencé la boxe anglaise ici au Boxing Toulouse bagatelle. Quand j’étais au CREPS de Toulouse, on cherchait un club de boxe anglaise pour parfaire ma technique de liaison pieds-poings en boxe française, on cherchait un endroit pour les travailler deux fois par semaine pour ajouter de la valeur à nos combinaisons et nous avons rencontré un homme charmant, plein de dynamisme, de vérité, un sourire naturellement posé sur son visage, c’était Philippe, entraîneur de ce club. On a fait un petit bout de chemin ensemble et il nous a proposé de faire les premiers critériums nationaux, nous les avons préparés très sérieusement, avec Audrey Garcia qui est originaire de Toulouse et qui habitait bagatelle et nous les avons gagnés toutes les deux. On a été les deux premières filles championnes du BTB !

Média Pitchounes : En ce week-end de journée de la femme, quelle est pour toi son rôle dans le monde ?

Myriam Lamarre : Très important. Le rôle de la femme, comme celui de l’homme, est très très important. La femme fait partie du système naturel de la vie, de la mort sur terre. C’est les femmes qui donnent naissance à la vie et elles ont un immense pouvoir, ça devient des mamans. En tant que femme elles ont du mal à avancer en fonction de leurs origines, de leurs cultures, et ne sont ni moins ni plus aidées qu’un homme par rapport à la famille et se retrouve souvent seules dans certains pays à combatte les éléments de la vie, les éléments naturels, et seules pour trouver une force supplémentaire intérieure pour s’en sortir de manière générale. Nous, on a la chance d’être dans un pays laïque, dans un pays extrêmement développé, mais il y a beaucoup beaucoup de femmes dans le monde qui n’ont pas notre chance. Parfois je me dis, pour elle, il faut se battre …

Entretien réalisé par Fidgy et Najia le 6 mars 2009

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