INTERVIEW DE KADER ARIF, « Avant d’être sportif, ou peu importe son métier, on est tout d’abord citoyen d’une nation »
Les commémorations du Centenaire de la Première guerre mondiale ont été lancées, lors d’une réception à la préfecture de région. Kader Arif, ministre délégué aux Anciens combattants s’est entretenu avec nos Pitchounes, porteur du projet « 14-18 Mémoires Sportives » avec la création d’un magazine sur le Tour de France 1914, distribué sur les routes du Tour 2014 et l’élaboration d’une exposition sur le Sport et la grande guerre
Media-Pitchounes : Quelles sont vos principales missions en tant que ministre délégué des anciens combattants ?
Kader ARIF : Mon ministère se compose de plusieurs volets, j’occupe la fonction de ministre délégué à la défense en charge des anciens combattants au côté Jean-Yves Le Drian. Il y a quelques jours par exemple, à Toulouse, j’ai assisté au baptême de l’A400M, un avion de transport militaire appelé « Toulouse » comme la ville, construit par Airbus. C’est le deuxième avion livré aux armées françaises. Il y a donc cette partie de mon travail qui est une partie défense et qui occupe une bonne partie de mon temps. Une autre de mes missions dans ce ministère concerne les anciens combattants. Il faut savoir qu’aujourd’hui on compte environ 1 200 000 anciens combattants en France. Le ministère s’occupe également des veuves, des orphelins, des mutilés de la nation etc. C’est un peu plus de 3 000 000 de personnes qui sont concernées par ce ministère. Son budget compte 3 milliards d’euros, 95% de ce budget sert à verser des pensions, c’est à dire les retraites ou autres. Il peut aussi servir lorsque nos jeunes soldats se voient handicapés à vie par les aléas de la guerre. Nous avons une enveloppe de un million d’euros qui est affectée à cela. Les anciens combattants peuvent être les anciens soldats de la guerre d’Algérie, de la deuxième guerre mondiale ou encore ceux qui ont participé à la guerre d’Indochine ou plus récemment ceux qui se sont engagés lors des conflits au Liban. Il ne faut tout de même pas oublier ceux qui, en ce moment, sont en en mission extérieure, qui eux sont combattants et deviendront plus tard des anciens combattants quand ils rentreront de République Centrafricaine par exemple. Ce n’est donc pas un ministère tourné exclusivement vers le passé mais une organisation qui agit sur le présent et le futur. Voilà donc le premier volet de mon travail pour ce qui concerne la défense.
L’autre volet agit pour la reconnaissance des anciens combattants. C’est-à-dire prendre en charge certains combattants lorsqu’ils ont des droits ou comme ce soir, participer à de grande cérémonie en compagnie parfois du président de la République, du Premier ministre, du ministre de la Défense afin de rendre hommage aux soldats français. D’autres cérémonies également plus douloureuses quand il s’agit de rendre hommage à nos soldats morts en opération. Par exemple, j’ai participé à la Cérémonie aux Invalides à Paris.
Ma mission m’appelle donc souvent à me déplacer en France ou à l’étranger à la rencontre de mes homologues (personne ayant les mêmes missions que moi dans beaucoup de pays). Une autre de mes missions est comme aujourd’hui, de tout mettre en place et préparer le centenaire de la Première guerre mondiale ou encore les 70ans de la Seconde guerre mondiale. Je me suis donc déplacé dans plus de cinquante départements en France et dans environ 20 à 30 pays.
Media-Pitchounes : En quoi consiste le programme de la mission centenaire ?
Kader ARIF : C’est une mission qui est présidée tout d’abord par le général Irastorza qui a été chef des états-majors de l’armée de terre et qui est dirigée par Joseph Zimet qui lui est Directeur général de la mission centenaire. Une quinzaine de personnes travaille au sein de la Mission. Elle est placée sous ma responsabilité, et a pour but de préparer tout ce qui peut se faire autour de cet événement en France mais aussi dans le reste du monde lorsqu’on travaille avec d’autre pays.
Aujourd’hui on compte plus de 1 000 projets retenus par la Mission du centenaire ; on dit labélisés car l’on donne un label à l’échelle nationale. Il y a encore d’autres projets qui vont être lancés l’année prochaine et pour les quatre ans à venir pour la commémoration du centenaire. On prévoit déjà trois grandes dates comme par exemple : Le 14 juillet 2014 sur les Champs Élysées où le président de la République sera présent et ainsi que les 74 pays ayant participé à la Grande guerre, des pays qui étaient à l’époque alliés ou adversaires et qui défileront aux cotés de l’armée française avec une double représentation. Une représentation militaire et une représentation de leur. Ensuite il y aura une manifestation le 3 août avec le président François Hollande et le président Allemand Joachim Gauck à la Frontière entre la France et de l’Allemagne. Cet événement se déroulera le 3 aout 2014 car c’est à cette date que, en 1914, la guerre a commencé. Cet événement vise à montrer cette amitié Franco-Allemande qui existe entre les peuples, deux pays qui ont autrefois fait la guerre pendant toute une bonne partie du XXème siècle et qui aujourd’hui ont construit l’Europe de La Paix. Tout cela pour montrer et valoriser un couple qui, à une échelle mondiale, a une importance capitale. La troisième date est fixée au mois de septembre pour commémorer la bataille de la Marne, l’engagement des troupes françaises, une bataille gigantesque et dramatique. J’évoquais lors de mon discours le quatorzième régiment, issu de notre région qui est venu soutenir le combat de la France lors de cette bataille dans la Marne. Et enfin, concernant la quatrième et dernière date, le 11 novembre 2014 où il sera inscrit dans un monument à Notre-Dame de Lorette (dans le Nord Pas-De-Calais) les six cent mille noms de soldats morts au champ d’honneur dans cette région. Quelles que soient leurs origines, leur religion, leur grade ou leurs nationalités. On gravera leur nom par ordre alphabétique.
Media-Pitchounes : Ils sont trois anciens vainqueurs du Tour de France à avoir perdu la vie au cours de cette guerre 14-18, en tant que grand sportif, auraient-ils pu bénéficier de faveurs particulières ?
Kader ARIF : Avant d’être sportif, politique ou peu importe son métier, on est tout d’abord citoyen d’une nation. La question serait plutôt de savoir s’il est utile de faire la guerre ? C’est pour cela que je défends toujours la paix. Je pense que le travail que vous faites sert et servira toujours à se battre pour lutter contre les problèmes du quotidiens comme le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme, le nationalisme… Faire de tout ce qui est déchirure, séparation et conflit à cause d’une religion différente, d’une couleur différente, du fait d’un nom différent, ne soit pas au final des prétextes à faire la guerre. Toujours se battre pour l’idée que le monde dans son universalité, dans ce qu’il représente, dans ses relations comme celles entre les hommes et les femmes doit être un monde de fraternité, de paix, un monde de tolérance.
Alors oui, des sportifs plus ou moins jeunes, et cela a été rappelé tout à l’heure sont morts. Mais au-delà des sportifs, on compte parmi les morts des ingénieurs, des instituteurs, des ouvriers, des paysans c’est-à-dire la France entière.
Media-Pitchounes : Quel rôle a joué le sport lors de la première guerre mondiale ?
Kader ARIF : Il a été dit que des sportifs on eut un rôle à jouer lors de cette Première guerre mondiale. Il y a des images célèbres, des grands moments de sport, des moments de fraternité juste avant la guerre lorsque l’équipe de France de rugby s’est confrontée à l’équipe de Nouvelle-Zélande. Il y a aussi cette partie de football que l’on évoque au moment de Noël, entre les soldats allemands et français qui pendant un moment, organisent une trêve pendant ces moments d’horreurs et qui partagent un moment de fraternité autour d’un ballon.
Media-Pitchounes : Est-ce qu’il a des commémorations prévues lors du Tour de France, cette année ?
Kader ARIF : En effet, on compte trois belles étapes qui vont passer par des lieux de conflits, sur les lignes de front pendant la Première Guerre mondiale. Une première étape qui part de Ypres en Belgique, ville où à l’époque furent utilisés pour la première fois des gaz moutarde. J’ai d’ailleurs rencontré pour ces trois étapes Christian Prudhomme (directeur du Tour), Daniel Bilalian (Chef des sports à France Télévisions) mais aussi Jean-Paul Ollivier (commentateur du Tour) qui va raconter sur ces trois étapes ce qu’était la guerre de 14 alors que les coureurs du Tour traverseront ces départements et ces régions. Un hommage sera également rendu aux trois vainqueurs de l’époque qui sont François Faber, Octave Lapize et Lucien Petit-Breton.
Media-Pitchounes : Existe-t-il un monument dédié aux sportifs morts pour la France ?
Kader ARIF : Beaucoup de monuments sont dédiés à des sportifs en particulier. Il y en a une à Toulouse, place Héraklès pour Alfred Mayssonnié qui était un rugbyman international, joueur du Stade Toulousain et qui est malheureusement mort pendant la guerre de 14-18. Lorsque l’on passe à côté, souvent, on n’y prête pas beaucoup d’attention, d’ailleurs peu de gens savent pourquoi elle est ici, pourtant c’est un monument dédié à la mémoire d’un sportif de haut niveau, qui a marqué l’histoire du Stade Toulousain et l’histoire de la France.