HANDISPORT : DEUX « INTOUCHABLES » AU SERVICE DU BASKET

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Ce dossier spécial sur le HANDISPORT est issu de l’ action faite avec l’Institut medico-Educatif GUILHEM de Venerque dans le cadre de la création d’un magazine par de jeunes apprentis journalistes . Cette rencontre inédite nous a fait rencontrer EMILIE MENARD, capitaine de l’équipe de France Handi-Basket et EMMANUELLE HERMOUET, internationale et championne d’Europe chez les valides.  

René : Emilie, pratiquiez-vous un sport avant ce handicap ?

Emilie: J’ai toujours été sportive  en fait, j’ai un peu touché à tout, j’ai fait un peu de tennis,  beaucoup de foot et pas mal de basket aussi

René : A quel âge avez vous commencé à jouer au basket ?

Emilie:  En basket fauteuil ?

René : En basket ? Puis en Basket fauteuil ?

Emilie: Pour le basket,  je devais avoir 11/12 ans puis en basket fauteuil, je m’y suis mise, je devais avoir 19 ans

René : Pourquoi avez vous choisi ce sport là ?

Emilie : Valide parce que le sport me plaisait j’adore les sports collectifs, par rapport à l’handisport, faut savoir que c’est un des seuls sports collectifs en France. En compétition il y a un peu de handball mais il n’y a pas autant de compétition, le rugby à treize se met aussi un petit peu en place mais le basket fauteuil c’est le seul sport collectif existant et je voulais vraiment un sport collectif

René : Est-il difficile de dribbler ou de jouer avec des appareillages ?

Emilie : Alors déjà, il va falloir venir essayer pour juger ?! (rires) Euh après non c’est une question d’habitude. C’est comme quand on commence tout, surtout quand on sort de centre de rééducation,  on a perdu beaucoup de masse musculaire et c’est difficile parce qu’on n’a pas le physique pour.Après, il  faut bien une petite année pour pouvoir dribbler et faire avancer le fauteuil en même temps.   On peut aussi poser le ballon sur les genoux et avancer 2 fois avec les roues , en fait et il faut re-dribbler derrière, puis on le repose et on avance 2 fois. C’est ce que l’on fait au début, c’est autorisé dans le règlement et après avec l’habitude on peut avancer et dribbler en même temps sans  poser le ballon.

René : Est- ce que cette différence peut attiser des moqueries sur le terrain ?

Emilie : Euh, comment ça sur le terrain, c’est-à-dire ?

Aurélie : Du fait de jouer en handisport, est-ce qu’il peut y avoir plus de moqueries par rapport aux valides ? Existe t- il une certaine mise à l’écart par rapport aux valides, au niveau de la participation lors des championnats, des compétitions ? 

Emilie : Il y a des mises à l’écart oui par rapport aux valides  puisqu’il y a déjà une petite minorité à pratiquer. Après lorsqu’on en parle aux gens c’est plutôt, soit de la curiosité, soit du respect  par rapport à ce que l’on fait puisque il n’y a pas beaucoup de gens qui s’imaginent que l’on peut faire du sport en général alors que l’on est en fauteuil où que l’on a un handicap quelconque donc déjà c’est vrai que cela attise pas mal la curiosité. Après la mise à l’écart médiatique, vous savez tous que voir du handisport à la télé c’est quasiment une démarche. Après, il y à beaucoup de médias sur le net qui maintenant s’y mettent. Peut être qu’un jour on arrivera par le web  à un peu attirer les grands médias que se soit  la presse écrite comme l’équipe qui commence à s’y mettre un petit peu mais bon c’est des petits articles., c’est très réduit. Après il y a le basket ,même si c’est une discipline très spectaculaire. En fait, parce qu’il y a les contacts etc.… Ce n’est pas celle que l’on voit le plus dans les médias, on voit quand même beaucoup la natation, le tennis au niveau féminin pas mal l’athlétisme aussi, mais parce que ces 3 disciplines essayent de s’intégrer dans les fédérations valides qui leur redonnent au niveau de l’échange et les médias. En basket ce n’est pas trop ça quoi ! Les garçons eux, ont rencontré l’équipe de France valides au mois d’août dans le nord, et c’était le seul contact qu’ils ont eu depuis 10 ans  !

Emmanuelle : Nous on s’est rencontrées en 2005 à Vichy !

Marine : C’était à l’occasion d’une rencontre sportive ou un championnat, un échange… ?

Emilie : Non c’est toujours des tournois amicaux, les garçons c’était ça, il y avait un tournoi de valides et un tournoi handisport qui se sont un peu croisés mais  pas sur les mêmes sites. Si j’ai bien compris après les garçons valides ont joué le jeu de venir voir les garçons jouer et vice versa. Après les filles, nous, c’était à Vichy

Emmanuelle : C’était un stage ou on était sur le même site

Emilie : les stages il y en a pas non plus beaucoup. C’est les hasards des calendriers. c’est vrai que cela remonte.

Sandra : Et vous continuez à faire des rencontres ?

Emilie : ben non. En fait elles étaient là par hasard, cela n’était pas organisé!

Emmanuelle : A l’époque, le coach Alain Jardel était très sensible au handisport en fait, car il est aussi concerné dans sa propre famille donc cela le touche, il était vraiment ravi de nous permettre de rencontrer les filles du handisport

Sandra : est-ce que vous ressentez aussi le fait que le basket féminin valide ne soit pas médiatisé ? 

Emmanuelle : Disons que pour les filles malgré les résultats on n’en parle pas et le handisport encore moins  ! C’est comme les jeux olympiques d’un côté on a les valides et puis derrière le handisport avec les para-olympiques. On va dire que c’est pour faire politiquement correct  je pense

Emilie : Ils s’y mettent un peu déjà. Mais c’est vrai que l’année dernière les garçons ont été vice champions du monde mais personne ne l’a su en fait !!! L’équipe ou Stade 2  je ne sais plus, on dit que s’il avait su il aurait envoyé du monde. Quelque soit le résultat, je veux dire c’est quand même intéressant … ! En foot féminin, elles ont assuré mais là il a fallu qu’elles aillent en finale pour être considérées. Alors qu’elles ont des bons résultats depuis des années.

Emmanuelle : Et puis il faut dire qu’il y à quand même un journaliste, Alexandre Delperrier, qui les porte vraiment beaucoup, il fait en sorte que l’on en parle.

Emilie : Il faut qu’il y est un journaliste « coup de cœur » pour motiver les médias

Laurent : D’ailleurs lorsque vous avez été championnes d’Europe vous avez eu votre moment de gloire sur 2 jours ?

Emmanuelle : Notre groupe est rentré en France, la fédération nous a gentiment offert le restaurant et une soirée au « QUEENS ». Le lendemain on était dans le bus puis on est rentré chez nous, voilà !!! Comme si de rien n’était !! On est allé à Stade 2 et c’est tout

Emilie : D’ailleurs je ne sais pas si toi aussi tu le ressens ? Mais au niveau du sport féminin les réactions sont : «  Ah c’est une fille qui fait du sport » lors des interviews, ce n’est pas « une sportive » et nous on est un peu le lien avec le handicap lors des interviews c’est « un handicapé qui fait du sport », ils ne considèrent pas la sportive en elle-même

Emmanuelle : En France, je pense que l’on n’est pas prêt pour la place de la femme dans le sport. J’imagine qu’au niveau du handicap c’est une curiosité !

Emilie : Oui en fait on te parle du handicap avant le sport sans voir ce qu’il y a autour ! Les performances … le problème c’est qu’ils partent de zéro…

Emmanuelle : C’est sûr !  Je pense que c’est dû à une certaine appréhension en fait.

Emilie : Il y a aussi cette peur et les différents types d’handicaps, moteur, mentaux …

Emmanuelle : Oui et puis malheureusement les gens ne se sentent pas concernés tant que cela ne les  touche pas personnellement, tant que cela ne t’es pas arrivé ou que ce n’est pas le cas dans les familles, c’est quelque chose d’inconnu…

Emilie : Faut savoir aussi que pour pratiquer du sport cela coûte cher, un fauteuil adapté par exemple pour le basket  en compétition c’est de 4000 à 5000 euros et que le remboursement est de 500 euros par la sécurité sociale ! C’est la galère ! Entre les dossiers de financement, les années d’attente, les mutuelles… On est vraiment loin de l’évolution des mentalités du Canada, des Etats Unis qui sont à des années lumières de nous. Quand on va là-bas, notamment en Allemagne au niveau du handisport tous les matchs sont retransmis à la télé et les filles sont accueillies direct après sur les plateaux télé !

Emmanuelle : En plus quand on voit vos matchs, c’est quand même impressionnant, intensif. Moi à la base je suis shooteuse et je suis vraiment admirative des shoots à 3 points en fauteuil et j’avoue que ce n’est pas la même chose, j’ai essayé, je me suis dis waouh !! Puis en plus en mouvement, je pense que les gens doivent être aussi admiratifs lorsqu’ils viennent pour vos matchs

Emilie : Et oui il y a aussi cette différence de hauteur en fonction des fauteuils  et puis je pense que le sport peut faire évoluer les mentalités. Le problème c’est qu’il faut toujours passer par l’excellence pour être reconnu

 

Laurent : Justement est-ce que les fédérations de sport valide ne pourraient-elles pas promouvoir l’handisport ?

Emmanuelle : On a fait justement des matchs d’ouverture de sport adapté, ce n’est pas la même chose mais c’est quand même bien, ça c’était super bien passé, je crois que l’on a fait 2/3 rencontres sur la saison

Emilie : oui ça commence un petit peu, mais tu sais c’est chacun dans sa bulle et chacun fait sa vie….

Emmanuelle : et puis ça dépend, c’est ce que je disais, il suffit qu’il y est quelqu’un un minimum sensibilisé ou concerné, pour qu’il puisse arriver à ouvrir l’esprit des autres

Emilie : par exemple à Tournefeuille cela fait déjà 2/3 ans qu’ils accueillent des matchs du TIC parce que tout le monde à accroché que ce soit humainement  ou sportivement donc du coup, ils jouent 2/3 fois dans la saison. Ce qui est compliqué aussi dans notre promotion lors de l’ouverture des matchs c’est les règles qui les encadrent. Il faut passer avant les espoirs, les matchs des espoirs  c’est vers 15 h, donc du coup il y a personne.

Emmanuelle : c’est vrai qu’une fois que les gens voient vos démos ils sont impressionnés et sensibilisés

Marine : Le fait de jouer en fauteuil entraine t-il plus de chocs pendant les matchs entre partenaires de jeux ?

Emilie : C’est vrai qu’il y autant de chocs que pour les matchs valides mais c’est plus impressionnant de l’extérieur au niveau du bruit de l’impact, car les fauteuils sont en métal. Après on ne se fait pas mal, moi ça fait 10 ans que je joue, je me suis rarement fait mal, la seule blessure c’est de m’ouvrir le menton sur le parquet, mais bon cela arrive aussi aux valides. Normalement on ne tolère pas les chocs comme au basket valide mais c’est vrai qu’il y a certaines règles, il faut passer devant etc.… Ce n’est pas des contacts dangereux c’est surtout la vitesse et le frottement des roues qui sont impressionnants

Marine : Vous vous faites pas mal aux jambes ?

Emilie : Non les fauteuils ont évolués, les pieds ne dépassent plus, ils sont protégés, nos jambes sont aussi attachées et les roues de plus en plus inclinées pour justement protéger nos doigts. Il n’y a jamais eu de gros accidents.

Marine : Le fauteuil, il se renverse des fois ?

Emilie : Ah oui cela arrive mais on arrive à se relever, l’arbitre siffle et le coach ou quelqu’un susceptible de venir, vient nous relever. Alors des fois cela peut permettre de souffler (rires) !!! C’est une petite technique pour se reposer. 2 minutes et puis tu repars !

Emmanuelle : Nous c’est le coup du lacet !!! (rires)

Marine : Avez-vous été victime d’une agression ou d’actes de violences pendant un match ?

Emilie : Non. Après il faut savoir qu’ en championnat c’est mixte donc des fois quand je joue avec les garçons, il y a un peu de machos (rires),tu entends des fois  « tiens prends la fille ou laisse la fille elle ne sait pas jouer » et puis tu leur mets 2/3 paniers sous le nez et ils changent vite de discours (rires).

Aurélie : et toi ?

Emmanuelle : Au niveau des supporters quelques histoires il y a des années de racisme, avec l’équipe d’Aix, puis selon l’endroit des matchs. En extérieur cela peut être très agressif notamment quand on jouait en Turquie c’était impressionnant malheureusement ! Après cela peut être motivant pour marquer !

Laurent : Tu comprends le turc? (rire)

Emmanuelle : C’est clair, il vaut mieux ne pas comprendre !!! (rires) Alors des fois tu choisis ton côté d’attaque pour rester vraiment concentrée… Après cela n’a rien à voir par rapport au foot par exemple ou là je me dis que c’est impressionnant !

Marine : Comment pouvez-vous réagir face à ce type de réactions ?

Emilie : Tu ignores, tu fais ton match. Cela ne vaut pas le coup de réagir face à ces personnes là !

Emmanuelle : Après cela dépend des personnalités. Cela peut m’arriver de parler à ceux qui peuvent me titiller…

Emilie : Il y a toujours cette différence avec les femmes pour ma part comme je joue en mixte, le machisme est souvent présent et comme il n’y a pas beaucoup de filles qui jouent, c’est d’autant plus présent, en général il y a une à deux filles par match!

Marine : Avez-vous de nombreux supporters ?

Emmanuelle : Alors à Toulouse c’est difficile d’en avoir car c’est avant tout  le rugby, le stade toulousain et le foot puis pour les gens c’est « tient du basket féminin » donc s’ils ont envie de venir… Puis en général cela leur plait. C’est quand même dur d’avoir des supporters,  les plus nombreux et les plus présents sont les jeunes de Media-Pitchounes!

Emilie : Nous si on fait des matchs en France c’est le bout du monde d’avoir 600 personnes dans les tribunes car on joue dans des salles prévues pour 2000/3000 personnes, notamment en Allemagne où elles sont remplies en général et si on n’a pas l’habitude, on est vraiment surpris par cette foule. En Israël aussi tous les matchs sont retransmis contrairement à la France, quand on a un match contre l’Israël, on sait que l’on va passer à la télé !!! Alors les magnétos enregistrent !!!(Rires) En Allemagne je me souviens on n’arrivait même pas à se parler en défense  tellement il y avait du bruit, avec les tambourins et les enfants et là tu te dis ce n’est pas possible !!!

Emmanuelle : Oui et il y’à une différence selon les pays hôtes ou pas sinon les salles peuvent être vides. En Espagne pour y avoir joué c’est incomparable, les salles sont remplies

Marine : Depuis combien de temps jouez-vous au basket ?

Emmanuelle : J’ai commencé à l’âge de 10 ans, cela fait longtemps (rires), j’en ai 32 ans !

Emilie : Pareil , tout pareil !!! (rires)

Emmanuelle : Par contre moi j’ai arrêté suite aux blessures du genou et je souhaitais avoir un bébé donc j’en ai profité pour arrêter mais je vais peut être jouer avec les filles en handisport selon les cotations au niveau du handicap

Emilie : Oui en fonction du handicap, il y a des points qui correspondent à la gravité de la déficience et dans une équipe on ne peut pas dépasser en International 14 points avec 5 joueurs et plus on descend en terme de compétition plus il y a de points attribués. Les fauteuils sont aussi adaptés en fonction de la déficience et du coup ces points permettent à tout le monde de jouer.

René : il y a du dopage dans le handisport ?

Emmanuelle : Comme dans tous les sports !

Emilie : Après moins répandu car on n’a pas trop d’enjeux financiers, puis les contrôles sont rares, en 12 ans j’en ai fait 1!

Emmanuelle : et moi jamais, je devais en faire un mais au final non, car il y  avait trop de monde.

Laurent : Tu as déjà été confrontée au dopage?

Emmanuelle : Oui, un coach espagnol m’en a déjà proposé, mais j’ai refusé!! Un autre coach voulait que je prenne de la créatine pour mes cuisses ! Je n’y ai jamais touché!

Emilie : Cela fait partie du sport mais c’est vraiment dommage !!!

Marine : le basket français sera-t-il aux jeux olympiques ?

Emilie : Normalement oui !

Emmanuelle : Les filles ont un pied dedans, mais il faut qu’elles passent les qualifications pour les valides

Emilie : Pour le moment on a 80 % de chance mais après personnellement, c’est le sélectionneur qui décide de la constitution de son équipe , je croise les doigts!

Chloé : Combien avez-vous de sélections en équipe de France ?

Emmanuelle : Ouh là ! C’est la question qui tue !!!

Emilie : On arrête de compter en général avec tous les matchs, on en fait 10 à l’année en général

Emmanuelle : Je ne sais pas cela doit être entre 80/90 sélections

Laurent : Vos fédés sont-elles généreuses pour vos équipements en sélections ?

Emilie : Déjà on a un survêtement pour l’année…et avant on rendait nos survêtements jusqu’aux JO de Pékin, les maillots on les rend et on récupère ceux des espoirs, ce n’est pas terrible !!! Ils ne sont pas nominatifs mais pour les jeux oui car on dépend des fédérations valides!

Emmanuelle : Et nous on jouait avec les maillots de garçons !!! Donc pas trop féminins …

Laurent : Pour finir, manue, on te voit quand en handisport?

Emmanuelle : Pourquoi pas, je garde le contact d’Emilie, si je ne prends pas tous les points de défiances!

Emilie : On se rappelle, promis!

Propos recueillis par Aurélie, René et Marine (IME GUILHEM)

 

 

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